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    Une fois.


    Allongés sous le pont, effrayés
    On regardait.
    Les flaques d'eau noire qui se fondaient un peu
    Dans la lumière des réverbères.

    Mollement acceptés par le sable bleu épais,
    On y creusait quelques semblants d'empreintes
    Qui avec hâte prenaient
    L'aspect de remous parmi d'autres remous
    Doux remous de sable
    Griffant les joues
    Remous remous
    Dans nos jambes ivres


    On attendait de prendre conscience
    Qu'on était seuls
    Et on avait peur


    L'air sentait le cigare à la framboise


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  • C'est dimanche
    Le jour qui expire et les trains qui freinent

    Marcher au bord de la voie, en équilibre
    Sur le fil de la bordure

    Vers le baîllement du tunnel
    Offrant sa chair grise


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  • Les minutes s'écroulent. Du dallage délié, aux poussières accordées et aux jointures bues par la chaleur s'envole une main de pierre


    Le millepertuis plonge vers le ciel. Il lui tend ses pores, longuement colorés de soleil. A côté de lui s'émiette avec peine le glacis d'étoupe d'un pissenlit mûr, à la faveur des rares courants d'air


    Tout est prêt à on ne sait quoi.


    Attendre, se déplacer pour mieux attendre. Croire qu'on ne sera jamais partie de tous ceux que l'on voit défiler rapidement sous les yeux immobiles. Leur ballet aveugle, spectacle burlesque; succession d'attentes, glissements déplacements pour tromper l'attente.


    Leurres. Comme ce corps de morte dormante, au visage et aux bras blancs, qui une nuit près de moi happait l'obscurité, possessif, et attirait vers lui la matière du silence, qui blessait mes yeux.


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  • L'allumeur de réverbères est passé.
    Il a jeté le trouble dans les versinthes, ramassé les dés qui roulaient encore sur le sol.
    Il les a posés sur la table.

    L'allumeur de réverbères est passé.
    Derrière la porte, le froid et les vents qui bataillent.
    Il a posé son manteau sur la chaise.
    Les bouches exhalent leurs chaleurs et se taisent.

    L'allumeur de réverbères est passé.
    Chacun l'a regardé étrangement
    Je voulais un morceau de lui
    Alors j'ai souri au fond de mon verre.

    [Dans les plis de son large manteau, j'ai fouillé et retrouvé un parfum poivré ancien adoré qui n'était pas à lui, adouci par la chaleur de son corps.
    Respiration ample et sans larmes; sourire sans regrets et sans amertumes.]

     

    L'allumeur de réverbères est passé.
    Il a éteint les allumettes nerveuses et enflammé les mèches des bougies; grésillement du fil noir, cassant, un peu recourbé.
    Il ne s'est pas assis mais a fermé la porte derrière lui.

    L'allumeur de réverbères est passé.
    J'ai vu les regards terribles
    Que je croyais sourires
    Et les marches noires muettes étourdissantes
    De mes promenades.

    L'allumeur de réverbères est passé.
    Il a tranquillement traversé la petite salle, en faisant craquer les lames du parquet comme un feu.
    Il s'est servi un verre d'eau.

    L'allumeur de réverbères est passé.
    Il a fendu la bise blanche au fort arôme
    En ouvrant ses mains il l'a dissipée
    Et la cendre vole, traçant en l'air
    Les signes de sa colère lointaine.

    L'allumeur de réverbères est passé.
    Il a fermé le livre aux pages incertaines
    Chassé les images oiseaux-douleurs
    Qui ne sont plus à moi.

    [Ses mains chaudes sans gants sur mes épaules. Je me suis enfin endormie.]


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  • Se voir heureuse en sa solitude; s'y croire immergée. Jouir de ces trêves, de cette paix armée, au coeur de la bataille contre soi-même. Déglutir l'espace, puis encore l'espace, qui se renouvelle devant les yeux, malgré le décor inchangé.
    Donner une naissance avortée au futur. Se sentir emprisonnée dans cet espace qui entoure et enlace de ses bras trop tranchants et trop aériens. Il est difficile d'y évoluer.
    L'immobilité malsaine et nerveuse, dans un calme qui, lui, ne semble rien attendre.

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