• Ici séjourne une onde inquiétante, fraîche et moirée,
    Dont le mouvement immobile et noir est un vaste royaume;
    Voilà mes Indes terribles au céleste arôme;
    Voilà la contrée du songe égaré

    Là, sentir au travers de l'air humide et doré
    Les spasmes des beautés sans mémoire dans sa paume,
    Pendant qu'au creux du coeur s'étire l'éclat d'un psaume,
    Comme une variation sur l'oubli éploré.

    Les lentes mains de la mémoire aux cheveux d'écume
    Parfois animent la mer d'étranges ballets-brumes
    Dont les grâces éparses marquent l'eau de leur signe.

    La mécanique du temps brode son éternel soir,
    Pendant que l'eau charrie les derniers ors du savoir;
    Et l'oubli, alors, se magnifie comme une vigne.


    votre commentaire
  • Au creux du sommeil s'est joué un terrible festin
    Dans le tiède corps de la terre que la pluie trempe
    Et enveloppe d'un bain à la douceur d'estampe.
    Le regard se dépose sur ces mystères, invité clandestin.

    Lentement s'épanchent les lueurs du long matin
    Qui se mêlent à l'électricité obstinée de la faible lampe
    L'esprit endormi cherche encore le songe et sa souple hampe.
    Silencieusement là-bas, l'air déploie son large satin.

    Au pied du lit, las, reposent quelques sauvages iris jaunes
    Qui chantent les éclats-sanglots étranges du faune
    Avec les mots vrais d'une antique et pure geste.

    L'odeur vénéneuse de la rose sanguine baigne tout, comme l'amour d'un apôtre 
    Et anime la lumière fauve du midi d'un éclat autre
    La nuit est avalée dans sa ronde bouche; maintenant seul l'ambre amer du jour reste.


    votre commentaire
  •  

    Les coudes à la fenêtre, le visage dans les mains
    J'observe la métamorphose du présent
    Les jeux d'immobiles, leur nébuleux bruit pesant
    La rondeur du monde et le goût de demain

    Au-dehors, le soir en ultime robe d'étain
    Le couchant étouffé au coeur des immeubles tiédissants
    Les toits muets, au canevas de tuiles s'éternisant
    La sombre blancheur des murs et leur ombre-fusain

    Tout près devant, l'air d'hiver et son âpre olifant
    Chuchotent un fleuve de mots verts aux enfants
    Qui recherchent sa caresse brûlante et cristalline

    Et dans leur visage on peut lire le muet reflet
    Des promesses que la première neige leur a fait
    Tombant douce dans la nuit, évanouie avant que la nuit ne décline.

     


    votre commentaire
  • Il y a au bord de l'été comme une frange
    Une longue lisière écumeuse frontière
    Aux marées vomissantes qui secouent les pierres,
    Au pli du poli d'un bras, limite qui dérange.

    A l'extérieur du soi, comme toujours, la guerre
    Entre les monades et les groupes qui prêts se rangent.
    Les groupes éclatent, les monades entre elles s'arrangent;
    Voyons cela de l'oeil qui blesse la lumière.

    Les parfums de prison s'emmêlent et s'épaissisent,
    Se détachent des vieux chiens qui glapissent;
    Ils emplissent la pièce céleste d'un beau noir.

    Pauvre décor permanent qui ennuie les grands yeux
    Et parvient à les occulter pour trouver mieux
    Avant un suicide dansant, sale désespoir.


    1 commentaire

  • Les acacias tremblent et s'étranglent, sous la paresse
    De leur propre ombre épineuse. Sur le chemin,
    Ils balancent leur image projetée, lente caresse
    Aux cailloux haïs soudés, qui naissent mains dans les mains.

    Un vieux papillon à l'aile tachée de brun
    Volette contre lui-même, dans une ultime ivresse;
    Ses longs battements cycliques claquent et agressent
    Ponctuent le silence plein, jusqu'au lendemain.

    Ce chemin en clair-obscur, aux fleurs arrachées
    Cette voie que l'herbe a peu à peu empanachée
    Cette route semée de minuscules pierres

    Faux paisible, semblant de banal petit passage
    A la nature qui bataille, comme un lent dressage
    Ce chemin aux prismes, c'est du réel la frontière.


    votre commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique