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L'allumeur de réverbères
L'allumeur de réverbères est passé.
Il a jeté le trouble dans les versinthes, ramassé les dés qui roulaient encore sur le sol.
Il les a posés sur la table.
L'allumeur de réverbères est passé.
Derrière la porte, le froid et les vents qui bataillent.
Il a posé son manteau sur la chaise.
Les bouches exhalent leurs chaleurs et se taisent.L'allumeur de réverbères est passé.
Chacun l'a regardé étrangement
Je voulais un morceau de lui
Alors j'ai souri au fond de mon verre.[Dans les plis de son large manteau, j'ai fouillé et retrouvé un parfum poivré ancien adoré qui n'était pas à lui, adouci par la chaleur de son corps.
Respiration ample et sans larmes; sourire sans regrets et sans amertumes.]L'allumeur de réverbères est passé.
Il a éteint les allumettes nerveuses et enflammé les mèches des bougies; grésillement du fil noir, cassant, un peu recourbé.
Il ne s'est pas assis mais a fermé la porte derrière lui.
L'allumeur de réverbères est passé.
J'ai vu les regards terribles
Que je croyais sourires
Et les marches noires muettes étourdissantes
De mes promenades.L'allumeur de réverbères est passé.
Il a tranquillement traversé la petite salle, en faisant craquer les lames du parquet comme un feu.
Il s'est servi un verre d'eau.L'allumeur de réverbères est passé.
Il a fendu la bise blanche au fort arôme
En ouvrant ses mains il l'a dissipée
Et la cendre vole, traçant en l'air
Les signes de sa colère lointaine.L'allumeur de réverbères est passé.
Il a fermé le livre aux pages incertaines
Chassé les images oiseaux-douleurs
Qui ne sont plus à moi.[Ses mains chaudes sans gants sur mes épaules. Je me suis enfin endormie.]
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