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[Phalène aux yeux de bois,
Ne vois-tu pas la peur qui s'effrange?]Observe le bruit des feuilles qui ventent. Il aime à se faire croire qu'il est pareil à celui de la pluie lancinante, languissante, lapidante. Petits chocs secs entre les feuilles gonflées. L'écho des vagues claque encore, et les oiseaux sonnent la retraite.
Le lever semble si sombre au fond des vallées. La pente épineuse attire, donne envie de nager dans les ronces et de se rouler dans les écorchures. Noyer l'oubli dans un parfum de sang végétal. Au loin, des enfants ont lancé leurs cris ronds comme les balles avec lesquelles ils jouent; les voix ivres tournent; on se croirait dans une piscine.
Le soleil se fraie un chemin au-dessus des nuages. Les herbes surplombant mon visage deviennent imposants bonsaïs. Le sol est vraiment sculpté avec une minutie lascive. Chaque brin de paille, chaque paillette de poussière a été placé pour former un ensemble diaboliquement sûr. Peu à peu, un parfum d'alcool se fait au jour; lentement, il se disperse, par échos de gorgées.
Même les camomilles tortueuses mais salvatrices possèdent leur grâce ciselée.
Airs troubles de l'incompréhensible et déchaînements de fausse puissance. Les feuilles des buissons spartiates tentent de s'ailer; mon regard les retient. Les mouettes repues promènent un vol puissant mais léger; les turbulences de l'herbe me chuchotent un japonais délié et mature.
Plus bas, un pont a déposé ses arcades. Le fleuve entraîne doucement sa pollution. Le vent en vieillit la surface par instants, formant de légères îles d'eaux ventées; on a envie d'arracher la peau du fleuve, et de se jeter en lui sans se bander les yeux. Le fond préservera son intimité.
Les jeunes démences commencent.
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Les destinations s'effilochent et perdent leurs lettres pâlissantees dans les cirrus.
Les enfants perdent leurs cheveux, leurs boucles pâles diaboliques;
Déjà ils expirent un parfum sophistiqué, les sourcils froncés, avec une fausse innocence consciencieuse.
Et les mots tombent de leurs bouches comme des cerises empoisonnées à l'épiderme fin, moiré de violet.
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Les galets implosent et se livrent, dans une grêle de mots nerveusement doux.
Les faits se nouent et dénouent les gorges.
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Les branches âpres s'embrasent;
Et l'arbre prend vie et feu, avec ses douces couleurs monte-en-l'air...
Ces brûlures que l'on lèche du regard, comme un sang à la parole calme.
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J'ai coupé mes jambes et mes ailes pour te les donner à manger.
Je ne les ai pas jetés en pâture à ton regard, comme à tous les regards; je te les ai concédés parce qu'ils t'ont plu. Je les ai retirés, comme les femmes savent retirer les choses qu'elles portent aux oreilles. Elles penchent la tête et font semblant de perdre leur vue. Elles penchent la tête comme n'importe quel oiseau et elles courbent leur poignet, n'importe quel poignet; mais la courbe parfois gracieuse fait de n'importe quelle articulation épaisse un simple pli gracile.
Je peux tout de même bien sentir l'essence de café métallique au fond de ma gorge, et mon diaphragme qui crie tous ces matins. Réapprendre à s'habituer à soi en continu (sans même le moindre pléonasme). Revenir aux nausées matinales et aux humeurs houellebecquiennes. Encore étendue, avoir effroyablement conscience du temps dont on dispose à présent, juste après le réveil, pour tenter de reconnaître le corps, "savourer" avec peur l'aperçu de toutes les auto-confrontations matinales.
Parce que rien n'est prévu et que l'on s'y est habitué, savoir que tous les faits se succèderont de la même façon tous les jours qui vont suivre. Sentir l'appétit de l'espace dément pour les morceaux de vide dont nous semblons être composés. Passe, avec sa silhouette attirante, une légère envie de tirer à la carabine sur ces tourterelles à la chair beige humain qui nichent en mon toit et peuplent ma gouttière, tamisant de leur peau empreinte de rosée la lumière grise que je bois.
Il va falloir se remettre à rêver, je le crois sans le craindre.
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