• Morceaux d'hier



    [Phalène aux yeux de bois,
    Ne vois-tu pas la peur qui s'effrange?]


    Observe le bruit des feuilles qui ventent. Il aime à se faire croire qu'il est pareil à celui de la pluie lancinante, languissante, lapidante. Petits chocs secs entre les feuilles gonflées. L'écho des vagues claque encore, et les oiseaux sonnent la retraite.
    Le lever semble si sombre au fond des vallées. La pente épineuse attire, donne envie de nager dans les ronces et de se rouler dans les écorchures. Noyer l'oubli dans un parfum de sang végétal. Au loin, des enfants ont lancé leurs cris ronds comme les balles avec lesquelles ils jouent; les voix ivres tournent; on se croirait dans une piscine.


    Le soleil se fraie un chemin au-dessus des nuages. Les herbes surplombant mon visage deviennent imposants bonsaïs. Le sol est vraiment sculpté avec une minutie lascive. Chaque brin de paille, chaque paillette de poussière a été placé pour former un ensemble diaboliquement sûr. Peu à peu, un parfum d'alcool se fait au jour; lentement, il se disperse, par échos de gorgées.
    Même les camomilles tortueuses mais salvatrices possèdent leur grâce ciselée.
    Airs troubles de l'incompréhensible et déchaînements de fausse puissance. Les feuilles des buissons spartiates tentent de s'ailer; mon regard les retient. Les mouettes repues promènent un vol puissant mais léger; les turbulences de l'herbe me chuchotent un japonais délié et mature.
    Plus bas, un pont a déposé ses arcades. Le fleuve entraîne doucement sa pollution. Le vent en vieillit la surface par instants, formant de légères îles d'eaux ventées; on a envie d'arracher la peau du fleuve, et de se jeter en lui sans se bander les yeux. Le fond préservera son intimité.

    Les jeunes démences commencent.



  • Commentaires

    1
    Mercredi 9 Août 2006 à 22:52
    question de vieux dément toujours en plein commencement
    Tes morceaux d’hier ont un fumet de préliminaire d’automne. Et ta photo de flaque en plein sable, en forme de pap-illons taches d’encre de psychiatre aux questions uniques « et là que voyez-vous ? » me fait penser à une moquette essuyant un dégât des eaux dans un beau reflet du jardin. La question qui me vient et qui n’a rien à voir avec le fait qu’on se rapproche de 23 heures est la suivante : n’est-il pas un peu trop tôt ?
    2
    Jeudi 31 Août 2006 à 08:38
    eaux ventées
    que déjà l'inquiétude de la mort initie à "l'être aux aguets". Grande maturité d'écriture et d'inquiétude.
    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :