• 3h41

    délivrer, libérer le passé sous les coups de boutoir des mots pensés. tourner les pages de son existence vécue, ressentir en voyant.

    les mots, insistants, consistants, qui reviennent et qu'on ne peut empêcher. ils brûlent la pensée de leur force évocatrice et péremptoire. ils résument un ensemble en quelques syllabes indiscutables, amères presque à la bouche.

    morceaux, débris avortés et inachevés de presque-bonheurs parfois que l'on regarde avidement défiler. voir ce que l'on n'avait pas vu à l'époque; voir les valeurs profondes, les vanités aussi. se voir songer à l'étrange équipée immobile qu'on est en train de mener.

    le souvenir est plus fort que le vécu en lui-même. il est la trace, l'empreinte, le moment recomposé et décliné sur le thème fébrile et évanescent de l'image
    .
    le souvenir est plus fort que la mémoire. il libère l'évènement du superflu; même s'il le subjectivise encore plus, il l'épure sans l'appauvrir, car il l'authentifie encore plus, du moins dans le référentiel affectif de la personne elle-même qui se souvient. la mémoire est un vaste livre d'images; le souvenir est la légende, le commentaire songeur de chaque débris lumineux et lointain de vie brute.

    au-dehors, les objets restent immobiles, pauvres de leurs couleurs; ils ne ressentent pas le voyage silencieux du corps tremblant de joie à côté d'eux.
    et parfois, en ces heures éternelles de redoublement de l'existence, on a envie de courir après son passé. retrouver les paisibles et certaines illusions d'antan. courir, courir dans le sens inverse de celui du temps.



    "Heures merveilleuses des voyages immobiles!"
    C. Juliet, Lambeaux


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  • 5h55

    je me réveille un instant. saisir la nuit, hors de sa chrysalide, pas encore morte pourtant. les premiers instants de splendeur, beaux car ce sont les derniers sans doute.

    un scooter sur la route fend les cristaux d'air, de sa lame aiguë. il passe et repasse. combien de fois, je ne sais pas. mais il ponctue de son sifflement l'air immobile, qui attend le jour. surgit peu à peu de la pénombre sonore le grondement lent et paisible presque du camion-poubelle. il passe; on entend le choc du plastique sur les pavés; puis la route se rendort, la nuit se referme un peu. bientôt le soleil va se lever.

    je pense aux faces repues que je croiserai demain.


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