• J'ai coupé mes jambes et mes ailes pour te les donner à manger.
    Je ne les ai pas
    jetés en pâture à ton regard, comme à tous les regards; je te les ai concédés parce qu'ils t'ont plu. Je les ai retirés, comme les femmes savent retirer les choses qu'elles portent aux oreilles. Elles penchent la tête et font semblant de perdre leur vue. Elles penchent la tête comme n'importe quel oiseau et elles courbent leur poignet, n'importe quel poignet; mais la courbe parfois gracieuse fait de n'importe quelle articulation épaisse un simple pli gracile.

    Je peux tout de même bien sentir l'essence de café métallique au fond de ma gorge, et mon diaphragme qui crie tous ces matins. Réapprendre à s'habituer à soi en continu (sans même le moindre pléonasme). Revenir aux nausées matinales et aux humeurs houellebecquiennes. Encore étendue, avoir effroyablement conscience du temps dont on dispose à présent, juste après le réveil, pour tenter de reconnaître le corps, "savourer" avec peur l'aperçu de toutes les auto-confrontations matinales.

    Parce que rien n'est prévu et que l'on s'y est habitué, savoir que tous les faits se succèderont de la même façon tous les jours qui vont suivre. Sentir l'appétit de l'espace dément pour les morceaux de vide dont nous semblons être composés. Passe, avec sa silhouette attirante, une légère envie de tirer à la carabine sur ces tourterelles à la chair beige humain qui nichent en mon toit et peuplent ma gouttière, tamisant de leur peau empreinte de rosée la lumière grise que je bois.

    Il va falloir se remettre à rêver, je le crois sans le craindre.

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  • 3h12
    De nouveau, les nuits nerveuses dans l'obscurité crue, passées à chercher le froid contre et sur soi. La fenêtre qui claque, éreintée, à chaque soubresaut sursaut de chaleur.
    Observer intérieurement la course du sang et se recueillir, avant d'apposer à ses contorsions la station agressive-passive des objets extérieurs, intimes à eux-mêmes.
    Contracter, exténuée exsangue, les muscles un à un; goûter ce contraire d'anciennes sensations trop familières.

    A travers la fenêtre, les grillons embués vibrent de leur ré mi bémol, et se défont de l'engourdissement pluvieux. Le corps qui repousse et redoute ces odeurs complaisantes insidieuses qui l'assaillent. Le parfum fétiche les noie et les désarticule; rassurant mais diabolique, il décharge ses souvenirs.


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  • Se reposer en soi, enfin... Etre un peu seule, sans mêler d'inconnus à soi.
    Attendre de nouveau parmi ceux qui courent, désemparée souriante et cynique.
    Entendre le tableau d'affichage bruisser comme une averse, déversant de nouvelles destinations.
    Courir sur les quais, sans personne à rattraper sauf l'ombre des moineaux sous les structures métalliques.

    Bonsoir, je suis revenue en moi.

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