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enfance 1
un
fruit rouge qui coule, généreux peut-être, au coeur d'une coquille
d'escargot, trempée de parfums. le givre sanglant dessine son léger
ruisseau, lent, sûr et léger, sur les pommes qui jonchent le sol. elles
pourissent; leur peau jaune se piquette de brun. à côté d'elles, des
mirabelles ont crevé leur peau fine, presque bleue. tous ces fruits
soupirent d'aise, fondent leur odeur douceâtre dans le soir. une enfant
arrive près des fruits. ils n'ont pu l'entendre; elle a les pieds nus.
elle tient une gerbe d'herbes blondes entre ses bras, un bouquet de ces
sèches graminées qui chuchotent les voix des morts, les jours de grand
vent. elle s'approche; elle a tout son temps. et doucement, elle marche
sur les fruits. ils éclatent, ils roulent, ils tentent de la faire
tomber. mais elle est légère encore. elle traverse la nappe de fruits
expirante. elle ramasse une de ses herbes qui a glissé à terre, lie la
gerbe d'une branche de lierre, et la pose au pied de l'arbre. elle y
grimpe, en glissant un peu à cause de ses pieds mouillés. elle s'assoit
sur une fourche, dos au soleil, sent ses jambes légèrement s'érafler
contre l'écorce rugueuse du pommier. elle enlace une des branches, y
frotte une de ses joues qui bientôt devient chaude et la pique. elle
aime cet arbre; il lui rappelle son père.
le soleil rougeoie encore pour une heure; l'enfant s'endort, à plat
ventre contre une branche, les bras et les jambes pendant mollement
dans le vide. l'animal au sang froid s'est vidé. ne reste qu'une mince
coquille, qui balotte très légèrement, souvenir de l'enfance qui l'a un
moment habitée.
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