• 2005 XXI

    je ris comme une possédée. heureusement que je suis seule, enfermée dans la maison. je suis assise au bord de la fenêtre. je ris d'un vrai rire franc, sincère, plein, "chaleureux" presque. même mes yeux rient avec mon corps. je ne regarde même plus ce qui m'entoure. je ris, je suis secouée de spasmes. des larmes même coulent de je ne sais où. rien n'a plus d'importance. je vois sans voir ce qui se passe autour de moi, comme des images sans suite qui défilent, saccadées. je ne discerne pas les objets qui composent ces images. je perçois un tourbillon de bleu nuit, de noir, d'orange, de gris blafard. je ris à grands éclats qui ne s'arrêtent que lorsque je suffoque, cherchant l'air glacé bruyamment. je n'entends plus rien, à part mon propre rire qui trouve son écho quelque part dans mes souvenirs.

    je ris et cela me fait peur. je n'ai plus l'habitude de ce mouvement naturel. j'étais habituée à ces actes que l'on calcule. j'étais habituée à repenser chaque geste, chaque parole et chaque acte, les plus petits, avant de les exécuter. c'était devenu un automatisme. penser, mettre au point, vérifier, exécuter une fois en pensée, esquisser, exécuter. un processus cher qui m'était devenu habituel, et qui l'est toujours. mais le rire arriva, et je ne pus le commander. un échec de plus. que deviendrai-je, si je m'aliène au point de ne plus pouvoir commander non seulement mes pensées, mes sensations, mes sentiments (je n'aime pas ce mot) mais encore mes actes? que deviendrai-je? mais ce rire ne veut-il pas dire non plus que je suis encore humaine? je n'en sais rien.

    cela fait longtemps que je n'avais pas tant ri. la sensation est étrange. ma cage thoracique vibre, mes épaules se soulèvent, un rictus s'empare de ma face.
    je veux que cela s'arrête. mais je ne peux pas; aussitôt une autre vague m'emmène, m'empêche de respirer et de reprendre mes pensées entières. un marteau cogne mon coeur qui palpite sourdement. la fatigue enfin m'arrête; je suis vide et j'en ai assez.

    aujourd'hui, j'ai ri. j'ai regardé mes pensées. j'ai ri: j'en suis malade. ces pensées me tueront à petit feu, insidieuses. j'ai ri de désespoir et de fatigue; ce qui me poursuit m'a enivrée. mon mal m'a faite rire; un remède existe, je l'ai jeté au fond de la seine. je n'irai pas le chercher. on m'a laissée seule avec mon mal, pour disputer un dernier duel. nous sommes tous seuls devant le mal lorsqu'il vient de nous-mêmes.

  • Commentaires

    1
    Dimanche 4 Juin 2006 à 18:34
    j'aime
    Je lis et relis, tout est de toi?
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