• 2005 XVI

    elle observait le monde à travers une vitre de verre dépoli.
    elle ne distinguait plus les personnes ni les choses; elles étaient déparées de tout intérêt. elle vivait à travers le brouillard semi-lumineux des étoiles de sa fatigue, vaguement coloré, un peu bruyant mais supportablement encore. elle regardait, étonnée, tous ces gens qui semblaient vivre autour d'elle; et ils s'affairaient, remarquablement plats et humbles. ils parlaient aussi, parfois même s'adressaient à elle; mais elle ne savait que répondre. elle ne comprenait déjà plus le langage; et elle répondait par un vague sourire du bas du visage, découvrant les boucliers émaillés des dents, le sourire qui plaît et ne demande pas de questions. elle ne les avait même plus en horreur, ces humains; ils faisaient juste ce qu'ils croyaient bon de faire, ce qu'ils appellaient leur devoir. qu'ils aient raison ou tort n'était pas dans la question de leurs actes même. elle admit finalement le conformisme fondamental de l'espèce humaine. ses forces, elle ne les gaspillait plus à haïr; elle se concentrait plutôt à régler quelques détails avec elle-même, en attendant toujours ce qui ne saurait tarder.
    elle observait durant ses dernières semaines ces vies banales dont elle aurait aimé en avoir une, rien que pour l'expérience. les fenêtres des immeubles, devant sa chambre, lui offraient tout ce qu'elle pouvait et aurait dû désirer. elle regardait les gens vivre. le soir, ils suivaient des matches à la télévision; les lumières bleues des postes lui parvenaient, floutées par les vitres. des disputes étouffées échappées par des fenêtres ouvertes, un rire gras, des volets claquant lui arrivaient à travers l'air froid. elle voyait ces gens primaires, ascétiques presque par la simplicité de leurs désirs, uniquement matériels et limités. non, ils ne voulaient pas l'or, l'encens, la myrrhe; ils ne voulaient pas l'omniscience, ni la compréhension absolue; ils ne voulaient pas le génie, ni aller à l'opéra. ils voulaient une voiture, de la bière, une femme pour la nuit, un peu d'argent. la nuit elle se demandait quels désirs choisir.

  • Commentaires

    1
    Mardi 22 Mai 2007 à 11:05
    querlas
    j'aime beaucoup beaucoup beuacoup. Querlas bonne journée
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