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Au musée des colères
Une rangée de lavabos, sans miroirs. Ici, quand on regarde son visage, on redresse la tête vers le pan de mur blanc sale qui jouxte le lavabo, et on écoute la musique qui s'échappe par petits morceaux étouffés de phrases, à travers les fentes et les fissures des murs, qui passe doucement sous les doubles portes. On écoute tous ces soupirs, on écoute les visages des autres qui travaillent, les doigts qui filent, les sons qui transpirent, les phrases qui se délient.
On regarde par la fenêtre alors. On s'en approche, on se penche un peu. Des enfants qui jouent à chat dans la cour. Encore des éclats de musique. La ville étendue au soleil comme une nappe parsemée de cheminées, voilée par un doux smog bleuté. La ville dans toute sa blancheur, trouée de surprenantes places floues et lignes nettes, qui dessinent la complexité de son grand corps. La ville qui paraît muette et plane, immuable, comme si tous les grouillements et les embrouillaminis qui l'animent et l'amusent n'étaient qu'artifices et artefacts.
Je fais le tour de sa souple taille avec mon bras, et je ne vois plus rien.
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